La fête de la Toussaint nous rappelle que nous sommes entourés, et même portés, par des multitudes de témoins du Christ : ceux qui nous ont précédés, depuis les apôtres et la Vierge Marie, jusqu’à ceux d’aujourd‘hui. Nous pouvons nous appuyer sur la foi de ceux qui sont venus avant nous. Et nous sommes invités à transmettre à notre tour le trésor de la confiance en Dieu à la génération qui nous suivra.
La sainteté consiste à se tenir près de la source de l’amitié de Dieu. A chacun et à chacune de nous, le Christ dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle amis. » (Jean 15.15)Le Christ n’est pas venu seulement pour nous enseigner mais pour nous dire : Dieu est tout proche de toi, et cela pour toujours. Même si notre foi est petite, Dieu ne cesse de nous donner son amitié et de chercher la nôtre.
Une icône du 6ème siècle exprime bien cela, à Taizé nous l’appelons « l’icône de l’amitié ». Elle vient d’Egypte. Je la voyais déjà dans la chambre de frère Roger lors de mes premières visites, comme jeune, à Taizé. Plus tard frère Roger a voulu la placer dans l’Eglise de la Réconciliation où elle se trouve toujours. Nous y voyons le Christ mettre son bras sur l’épaule de son ami pour marcher avec lui. Par ce geste, il prend sur lui les fardeaux, tous les poids qui pèsent sur cet ami. Celui-ci porte le nom de Menas, mais il représente aussi chacun et chacune de nous.Regarder l’icône de l’amitié, c’est déjà une prière qui nous unit à Dieu.
Cette icône fait voir ce qui est au cœur de l’Evangile : si le Christ est invisible à nos yeux, nous pouvons pourtant nous confier à sa présence de Ressuscité. Depuis sa résurrection, par l’Esprit Saint, il vient humblement à nos côtés. Il ne s’impose pas mais il accompagne chaque être humain.Dieu aime chacun sans conditions. Aujourd’hui, pour rendre accessible la foi chrétienne au plus grand nombre, il est vital de transmettre ce qui est au centre de l’Evangile : la grandeur de Dieu se révèle comme amour, comme capacité infinie de se rendre tout proche de l’humanité.
Cette amitié que Dieu nous offre, nous pouvons la vivre aussi entre nous. Le Christ nous rassemble dans une seule communion, celle de l’Eglise. Dépassons alors les séparations qui continuent à brouiller l’image de l’Eglise ! Si nous pouvions tout faire pour qu’il soit plus évident qu’elle est un lieu d’amitié pour tous !
La Toussaint n’est-elle pas comme une célébration de cette amitié ?Ayons le courage de lier amitié en particulier avec les plus démunis. L’attention aux plus abandonnés a une immense valeur dans nos sociétés où tant de personnes se trouvent isolées, incomprises.
Ces dernières années, lors de rencontres internationales de Taizé, nous avons donné aux jeunes des copies de l’icône de l’amitié. Avec cette icône, ils accomplissent de petits pèlerinages de confiance vers d’autres personnes, d’une ville à une autre, d’une paroisse à une autre, dans des lieux de souffrance, un hôpital ou une maison d’enfants abandonnés.Et ils découvrent parmi les plus vulnérables des reflets d’une présence.
Comme dans la parabole de l’Évangile, le Christ leur dit : quand vous avez visité le plus petit de mes frères et de mes sœurs, c’est moi que vous avez rencontré. (voir Mat 25.31-46) Frère Roger rappelait que, dans chaque aujourd’hui, il y a une option à prendre entre la médiocrité et la sainteté.
C’est à chaque instant que nous pouvons répondre à l’appel de Dieu « soyez saints ! » (Lév. 19.2) Opter pour la sainteté ne signifie pas nécessairement « faire » plus. Le dépassement auquel nous sommes appelés, c’est d’aimer davantage. Et comme l’amour a besoin de tout notre être pour s’exprimer, à nous de chercher, sans attendre une minute, comment être plus attentifs à notre prochain.Il y a tant de sainteté cachée, vécue silencieusement ! Et combien d’hommes et de femmes n’en sont pas conscients ! Même sans le savoir, ils ont déjà pris place dans cette grande nuée de témoins qui, depuis Abraham et Marie, ont cru que « rien n’est impossible à Dieu ». (Luc 1.37)